FRANCOFOLIE

FRANCOFOLIE
"Vuelve a sonreír, a recordar París, a ser mi angustia..." (LOVG).

lundi, mars 22, 2010

Paul Claudel


CINQ GRANDES ODES
Extrait

LES MUSES


Les Neuf Muses, et au milieu, Terpsichore !

Je te reconnais, Ménade ! Je te reconnais, Sibylle ! Je n'attends avec ta main point de coupe ou ton sein même

Convulsivement dans tes ongles, Cuméenne dans le tourbillon des feuilles dorées !

Mais cette grosse flûte toute entrouée de bouches à tes doigts indique assez

Que tu n'as plus besoin de la joindre au souffle qui t'emplit

Et qui vient de te mettre, ô vierge, debout !

Point de contorsions : rien du cou ne dérange les beaux plis de ta robe jusqu'aux pieds qu'elle ne laisse point voir !

Mais je sais assez ce que veulent dire cette tête qui se tourne vers le côté, cette mine enivrée et close, et ce visage qui écoute, tout fulgurant de la jubilation orchestrale !

Un seul bras est ce que tu n'as point pu contenir ! Il se relève, il se crispe,

Tout impatient de la fureur de frapper la première mesure !

Secrète voyelle ! animation de la parole qui naît ! modulation à qui tout l'esprit consonne !

Terpsichore, trouveuse de la danse ! où serait le chœur sans la danse ? quelle autre captiverait

Les huit sœurs farouches ensemble, pour vendanger l'hymne jaillissante, inventant la figure inextricable ?

Chez qui, si d'abord te plantant dans le centre de son esprit, vierge vibrante,

Tu ne perdais sa raison grossière et basse flambant tout de l'aile de ta colère dans le sel du feu qui claque,

Consentiraient d'entrer les chastes sœurs ?

Les Neuf Muses ! aucune n'est de trop pour moi !

Je vois sur ce marbre l'entière neuvaine. À ta droite, Polymnie ! et à la gauche de l'autel où tu t'accoudes !

Les hautes vierges égales, la rangée des sœurs éloquentes

Je veux dire sur quel pas je les ai vues s'arrêter et comment elles s'enguirlandaient l'une à l'autre

Autrement que par cela que chaque main

Va cueillir aux doigts qui lui sont tendus. (…)

Paul Claudel

Cinq Grandes Odes. " Les Muses ". Œuvre Poétique

Gallimard, Pléiade, p. 221




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